La nuit de Noël du capitaine Allan

 

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

 

Robert de ROQUEBRUNE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le vent qui s’était élevé depuis une demi-heure chassait la neige en fine poudre et balayait la campagne. La route devenait impraticable. La nuit blanchâtre était plus difficile à percer qu’une nuit noire. Et la neige aveuglait.

Le capitaine Allan arrêta son cheval. Derrière lui, les hommes du peloton qu’il commandait s’arrêtèrent aussi. Sur le fond du ciel, leurs silhouettes se découpèrent.

– Où sommes-nous ? demanda le capitaine au sergent qui l’avait rejoint.

Cet homme, une main en abat-jour sur les yeux pour se garantir de la neige tourbillonnante, scrutait l’impénétrable blancheur.

– Je ne sais pas au juste, capitaine, mais certainement pas très loin du village de Beloeil... Tenez, voici une maison tout près dont j’aperçois la lumière... Là, on nous renseignerait peut-être.

– Hum ! fit le capitaine, sceptique, demander un renseignement à un habitant canadien, pour nous autres, sergents, c’est s’exposer à tomber dans la mauvaise route.

– Oui, je sais, surtout depuis que le général Sir John Colborne fait pendre les condamnés politiques, ces canadiens sont devenus farouches. Mais essayons tout de même d’obtenir un renseignement à cette ferme.

Le rébellion du Bas-Canada contre le gouvernement britannique ne connut pas d’époque plus terrible que cet affreux hiver de 1838. Le temps des glorieuses échauffourées était terminé. Les batailles du Richelieu et des Deux Montagnes et ce magnifique automne de 1837 où les Canadiens-français enthousiasmés par Papineau s’appelaient les Fils de la Liberté, tout cela était bien éloigné maintenant. 37, c’est les discours enflammés des jeunes patriotes, c’est Papineau debout sur une borne et prêchant la liberté, c’est la victoire de Saint-Denis et les habitants en capot gris qui s’emparent des canons du colonel Gore, c’est le Dr Chénier mourant au pied du clocher en feu de Saint-Eustache ; 38, c’est le tribunal militaire, les prisonniers politiques, les fermes qui brûlent à l’horizon de Montréal, c’est Papineau en fuite et Lorimier pendu.

Les fermes se barricadaient et les maisons demeuraient closes tout le jour dans l’effroi et l’attente des visites domiciliaires. Et quand une femme osait se mettre la tête à la fenêtre, elle voyait parfois une troupe de soldats anglais à cheval, et, au milieu d’eux, un homme en capot gris qui marchait dans la neige. Reconnaissant le prisonnier, on allumait un cierge devant la madone et l’on priait pour celui qui était compromis.

Car on arrêtait sans cesse des hommes. Souvent, à la nuit tombée, on frappait à la porte. Un officier entrait dans la maison et demandait à parler au père, au frère, au fils qui s’étaient compromis dans la rébellion. Être compromis, c’était avoir fait le coup de feu à Saint-Denis ou à Saint-Eustache, avoir tenu des propos antibritanniques dans les assemblées politiques, avoir fait partie du club des Fils de la Liberté. Et si l’homme n’avait pas le temps de fuir, il était conduit entre quatre habits rouges à la prison de Montréal.

Cependant, le capitaine Allan s’était avancé vers la maison que le sergent avait signalé. Il frappa au contrevent d’une fenêtre de la poignée de son sabre. On entendit remuer à l’intérieur et la lumière s’éteignit brusquement. Dressé sur ses étriers, l’officier essayait de voir à travers le trèfle pratiqué dans le battant de bois. Il frappa de nouveau plus rudement et dit en français :

– Ouvrez, au nom de la reine !

Quel effet ce mot dut faire sur les gens de la maison et quelle terreur dut blanchir leurs figures inquiètes ! La lumière reparut aussitôt et la porte s’ouvrit.

Un vieillard s’y encadrait. Il portait la tuque de laine tricotée des habitants canadiens. Ses lèvres et son menton rasés et ses courts favoris blancs apparurent en pleine lumière. Le haut du visage demeurait dans l’ombre. Dans la chambre éclairée d’une chandelle, le poêle rouge jetait une chaleur égale. La neige s’engouffra par la porte entrouverte et le vent fit vaciller la lumière.

– Que voulez-vous ?

– Nous allons vers Beloeil... c’est la montagne de Saint-Hilaire qui est là en face de nous ? demanda l’officier.

L’homme, avant de répondre, essaya de percer la neige et la nuit d’un regard rapide. Derrière l’officier à cheval, il entrevit d’autres habits rouges. L’officier répéta sa question :

– C’est Beloeil en face de nous ?

– Oui.

– Alors, pour se rendre à Beloeil, il faut marcher droit devant nous ?

– Oui.

La porte se referma et le trèfle de lumière dans le contrevent de bois s’éteignit. Sans insister davantage, le capitaine Allan dirigea son cheval dans la neige de plus en plus épaisse et le peloton reprit lentement sa route.

Les premières maisons du village de Beloeil se présentèrent bientôt. Le vent cessa de souffler subitement et la neige fine de tourbillonner. Sur la route mieux battue, les chevaux avancèrent plus vite. Toutes les maisons étaient éclairées. Les soldats anglais étaient parfois dépassés par des traîneaux attelés de chevaux rapides. Les occupants couverts de fourrures se dressaient soudain, et, reconnaissant l’uniforme rouge, ils fouettaient furieusement les chevaux qui emportaient les glissantes carrioles dans un bruit de clochettes et de grelots. Les portes des maisons s’ouvraient et des gens armés de lanternes marchaient les uns devant les autres dans la neige battue du chemin. La cloche de l’église de Beloeil se mit à sonner et celle de Saint-Hilaire, de l’autre côté de la rivière gelée lui répondit.

Les Anglais s’étaient arrêtés.

– Que veut dire ceci ? s’écria le capitaine Allan. Est-ce l’émeute qui reprend ?

Près de son cheval, les autres chevaux vinrent se ranger. Les hommes se sentirent soudain affreusement perdus dans ce pays inconnu et hostile. Autour d’eux, des gens porteurs de lanternes et des traîneaux passaient toujours. Et là-bas, à Saint-Hilaire, de petites lumières défilaient et des traîneaux glissaient pareillement. Les deux églises, maintenant, lançaient à toute volée le son clair et long de leurs cloches.

Les soldats se regardaient avec inquiétude et, sans comprendre, se comptaient instinctivement. Le capitaine Allan éperonna nerveusement son cheval qui bondit dans la neige. Et le peloton galopa vers l’église.

Elle était toute dorée intérieurement par mille cierges. Sous le portique de bois, les gens éteignaient leurs lanternes avant d’y pénétrer. On entendait le bruit des pieds frappés par terre pour faire tomber la neige collée aux galoches. En haut du clocher, perdu dans le ciel maintenant étoilé et brillant, le son tombait ininterrompu et vibrant dans l’air glacé.

Le capitaine Allan avait sauté à bas de cheval et, après un ordre bref à ses hommes, il pénétra seul dans l’église.

Les gens s’écartèrent sur son passage. Des femmes qu’il frôla, se signèrent rapidement. Les hommes détournaient de lui leur regard et serraient les poings en grognant. Ceux qui étaient agenouillés dans les bancs, s’étaient levés. Ne sachant que faire, ils attendaient en le regardant fixement.

Le curé, déjà au pied de l’autel et qui allait commencer la messe, enlevait rapidement sa chasuble. Autour de lui, quelques notables du village étaient venus se ranger. Cependant, les laissant debout dans le chœur, le prêtre s’avança dans la nef à la rencontre du soldat anglais.

Celui-ci s’était figé dans une surprise soudaine. Il parut intimidé par tous ces regards tournés vers lui. Et quand le curé vêtu de blanc arriva à lui, il cligna des yeux déjà éblouis par la lumière des cierges. Un grand silence régnait dans la vieille église où flottait l’odeur chaude des cires brûlées.

– Que venez-vous faire ici, Monsieur ?

Le prêtre avait parlé à voix haute et presque rudement. Il continua :

– Nous célébrons la messe de Noël... Allez-vous-en.

De la main, il indiqua la porte.

Et le capitaine Allan, joignant oignant les talons, salua militairement et s’en alla.

 

 

– La messe de Noël, se disait-il en remontant à cheval, ils célèbrent Noël. C’est vrai, c’est Noël !

Les clochers des deux églises semblèrent lui répondre et tout en trottant dans la neige au milieu de ses hommes silencieux, il songea à sa famille lointaine, à la fête du Christmas, la plus grande fête de l’année pour un Anglais. Et il revit ses parents, sa femme, ses deux enfants qui, là-bas, au-delà des mers, dans la nuageuse Angleterre, devaient songer à lui en ce moment.

Un attendrissement le saisit. Il pensa que dans deux années son régiment regagnerait la patrie, absente, qu’il en aurait fini avec son exil, qu’il pourrait célébrer Christmas avec les siens...

– Sergent, dit-il, je regrette d’avoir dérangé ces pauvres gens pendant leur office. Ils ont eu horreur de moi. J’étais très timide quand ce prêtre blanc m’a chassé de l’église. Je me suis conduit comme un étourdi et un homme sans éducation. Je regrette vraiment...

– Capitaine, répondit l’autre, c’est à Saint-Hilaire, le village en face, qu’habite l’homme que nous cherchons.

Le capitaine Allan tressaillit.

– C’est vrai, nous cherchons cet homme.

Il tira un papier de sa tunique et, allumant une petite lanterne sourde qui pendait à sa selle, il lut :

« Joseph Dauphinet, médecin, compromis à la bataille de Saint-Denis, blessé légèrement à Saint-Charles, habite le village de Saint-Hilaire, dernière maison avant le mur du manoir. Ami de Papineau et de Nelson. A quitté sa maison et s’est réfugié dans la montagne, mais il revient de temps en temps revoir sa famille. Tâcher de s’en emparer. Agitateur dangereux. »

Et le signalement de Joseph Dauphinet, médecin, suivait ces instructions.

Mme Dauphinet terminait l’arrangement de l’arbre de Noël. Elle attachait aux branches vertes d’un sapin planté dans une caisse, des jouets, des cornets de bonbons, de petites chandelles et des guirlandes de papier de couleur. Les gestes de la jeune femme étaient rapides. Ses mains fines, son profil régulier, ses bandeaux de cheveux noirs passaient et repassaient devant une grande glace qui surmontait une commode en acajou. Ce salon, meublé de guéridons, de fauteuils de crin, et de l’inévitable poêle dans une niche, annonçait une calme aisance. Au mur tendu d’un papier à fleurs, étaient appendues ces gravures encadrées, sentimentales et puériles, tant aimées de la première époque victorienne et Louis-philipparde. On y voyait la châtelaine qui attache un billet au cou d’une tourterelle et le beau cavalier en chapeau haut de forme et pantalon à sous-pieds qui envoie des baisers à une dame debout sur le perron d’un château blanc. Dans un vase bleu, un bouquet de fleurs en porcelaine offrait son éternelle et artificielle fraîcheur. Le dos des fauteuils était orné de dentelles au crochet et d’ouvrages brodés par la maîtresse de la maison. Sur un guéridon, un beau service de saxe épais et fragile. La pièce était éclairée de flambeaux d’argent posés sur les tables.

Comme son mari, Mme Dauphinet appartenait à la portion de la bourgeoisie canadienne qui avait pris part au mouvement anti-anglais. Sans calculer les chances d’une rébellion ouverte à main armée, ils s’étaient lancés avec enthousiasme dans cet héroïque tourbillon d’espérances. Enivrés par les journaux et les orateurs patriotes, les deux jeunes époux avaient rêvé pour leur race la liberté et l’indépendance. Le Dr Dauphinet s’était donc terriblement compromis.

Oublié au début des arrestations grâce à son obscurité, il se savait recherché maintenant. Il avait cependant continué à exercer son ministère au village de Saint-Hilaire et dans les campagnes environnantes. Mais, depuis un mois, il avait quitté sa maison et s’était réfugié dans la montagne. Là, dans une cabane de chasseurs, il vivait avec deux autres compromis, ne sortant que la nuit pour aller voir un malade ou venir rapidement embrasser sa femme et ses enfants.

Qui donc, pendant ce dur hiver de 38, a dénoncé tant de Canadiens aux autorités anglaises ? Hélas, des traîtres, des moutons comme on les appelait alors ! Il s’est trouvé des gens de cette horrible race pendant toutes les guerres civiles ou étrangères. Pour racheter sa vie parfois, le plus souvent pour un salaire, il s’est toujours trouvé des hommes qui ont vendu leurs frères. Cela est vieux comme la guerre, comme la lâcheté, comme l’humanité.

La dénonciation arrivait précise, avec des détails, le signalement, l’heure où le compromis pouvait être pris à coup sûr. Et au cours de son procès, on apprenait avec surprise combien l’autorité militaire avait été bien renseignée et avec combien de certitude. Il a suffi au Canada, en 1838, d’une dizaine de moutons pour faire pendre ou exiler quelques centaines de patriotes.

Mme Dauphinet était inquiète. Depuis quelques jours son mari n’osait pas paraître au village où il avait vu rôder des figures suspectes. Le médecin avait été averti de se tenir sur ses gardes. Et, en lui envoyant des vivres dans la montagne, elle avait fait recommander à son mari de rester là-haut et d’être prudent.

L’arbre était prêt. La jeune femme contempla son ouvrage. Les enfants seraient enchantés. Il était temps de les éveiller et de leur distribuer les cadeaux que le bon saint Nicolas avait apportés. Hélas ! cette année, il ne distribuerait pas lui-même les beaux objets et les joujoux ! Et Mme Dauphinet contemplait la défroque que son mari revêtait chaque Noël pour amuser les petits : la tunique rouge rappelant de bien loin la robe épiscopale du grand évêque dont la tradition chrétienne a fait le patron des enfants, la longue barbe et les sourcils d’ouate pour figurer son grand âge, le bonnet d’étoffe, vague souvenir de la mitre. Combien elle et son mari avaient pris plaisir à cette innocente supercherie qui faisait la grande joie de la petite famille. Ils aimaient le scepticisme, mêlé de croyance, des petits qui reconnaissaient la voix de leur papa, mais qui étaient ravis du jeu dont ils n’étaient dupes qu’à moitié et dont ils eussent été désolés d’être privés.

Hélas ! cette année, il faudrait bien se passer de saint Nicolas...

Mme Dauphinet tressaillit. Trois coups légers avaient été frappés au contrevent de bois. C’était le signal convenu avec son mari. Elle courut à la cuisine. La vieille servante venait d’en ouvrir la porte et un homme s’élança dans la maison.

– Toi, toi ! mais comme c’est imprudent !

Et disant cela, la jeune femme couvrait de caresses le visage de son mari.

– Écoute, Élise, disait Dauphinet en enlevant son capot couvert de neige et secouant ses mocassins, songe donc, une nuit de Noël ! Je ne pouvais pas ne pas venir. Qu’auraient pensé les enfants ? Leur Noël eût été gâté. Il leur faut leur saint Nicolas. Je retournerai dans la montagne d’ici une heure. Va vite les éveiller pendant que je mets ma barbe blanche.

Toute joyeuse, la jeune femme alla éveiller les petits et les avertir que saint Nicolas les attendait au salon.

 

 

Le capitaine Allan laissait son cheval suivre les autres sans presque lui imprimer de direction. Sa pensée était ailleurs, bien loin de ce lieu. Il fut brusquement tiré de sa rêverie par le voix du sergent.

– Capitaine, voilà la maison.

L’officier redressa la tête. La nuit était très claire maintenant qu’il ne neigeait plus. Devant lui, une maison penchait son grand toit blanc. La lumière filtrait par les trèfles des contrevents. Tout près, le mur d’un parc et, dans le lointain, les cheminées du manoir de Saint-Hilaire se dressaient au-dessus des arbres.

– C’est là, répéta le sergent.

Le capitaine sauta dans la neige. Les soldats l’imitèrent. Ils s’approchèrent doucement de la maison.

– Postez-vous en arrière, à la porte de la cuisine et devant chaque fenêtre et, si vous voyez fuir un homme, tirez dessus. Vous, sergent, attendez devant la porte d’en avant. Si l’homme est là et qu’il résiste ou refuse de me suivre, j’appellerai.

Et l’officier, gravissant d’un saut le petit perron de deux marches, traversa la galerie de bois qui orne toujours la façade des maisons canadiennes et heurta le marteau de la porte.

Elle s’ouvrit et la vieille servante des Dauphinet apparut tenant un flambeau à la main. En apercevant l’officier anglais, elle ne put retenir un cri de terreur.

– Les habits rouges !

Et elle s’enfuit à travers le corridor vers la cuisine. Le capitaine Allan pénétra dans la maison en disant à haute voix :

– Il est impossible de fuir, la maison est cernée.

Deux portes se trouvaient de chaque côté du corridor et un escalier blanc au fond. Derrière l’une des portes, il entendit un bruit étouffé de voix, un piétinement... Il saisit la poignée de cette porte.

Le salon apparut. L’arbre était tout illuminé de petites bougies, les joujoux étaient déjà distribués et traînaient sur le tapis. Dans un fauteuil, une petite fille blonde serrait contre son cœur tremblant une grosse poupée aux yeux écarquillés et au sourire de porcelaine peinte. Appuyée au mur, Mme Dauphinet serrait fiévreusement deux de ses enfants contre elle. Enfin le quatrième enfant, un petit garçon de quatre ou cinq ans, se tenait accroché à saint Nicolas. Tous contemplaient l’officier avec une anxieuse terreur.

Vêtu de la longue robe, le bonnet sur la tête, la barbe blanche étalée, le médecin ne savait quelle décision prendre. Tenter de fuir lui avait paru tout de suite impossible. Il savait la maison cernée. Résister, n’était-ce pas exposer les siens ? Il eut un geste désespéré et voulu faire un pas, dire quelque chose. La voix se contracta dans sa gorge. Il ne put que tendre les bras. Sa femme et les quatre petits vinrent l’embrasser étroitement en silence.

Le capitaine Allan avait eu un geste de profonde surprise en entrant dans le salon. Comme tout à l’heure à l’église, il eut la sensation d’accomplir un acte inconvenant, une de ces actions qu’un véritable gentleman se reproche toute sa vie avec honte. Pour la seconde fois durant cette nuit, il se sentit un intrus, un indiscret et un butor. Devant ce père, cette jeune femme, ces enfants surpris en pleine joie, il se sentit intimidé affreusement. Il songea aussi à sa famille qui devait, en ce moment même, célébrer la Noël ; il vit les têtes ébouriffées de ses enfants, sa chère femme pensive qui devait songer tristement à lui... Et, saluant militairement, comme il avait fait à l’église, le capitaine Allan pivota sur ses pieds et quitta la maison.

Il ordonna brutalement à ses hommes de remonter à cheval et partit au galop suivi du peloton. Et comme le sergent trottait botte à botte avec lui, il lui dit simplement :

– Notre homme n’était pas là. Je regrette d’avoir fait peur à Mme Dauphinet et aux enfants... Le médecin Joseph Dauphinet est un homme jeune, de trente ans, aux favoris bruns et aux cheveux noirs et j’ai trouvé là un vieux à barbe blanche qui ne correspond pas du tout au signalement que m’en a donné le général Colborne.

Comme le vent s’élevait de nouveau, la neige se mit à tourbillonner et le capitaine Allan releva le col de fourrure de son manteau car il avait froid.

 

 

 

Robert de ROQUEBRUNE, Les Habits rouges, roman canadien,

suivi du La nuit de Noël du capitaine Allan, 1930.

 

 

 

 

 

 

 

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