La jeune fille aveugle

 

 

C’était le jour si beau qu’une Vierge enfantait

                      À Bethléem,

    Et son fruit béni, de froid grelottait

                    Sur un peu de foin.

    Les anges, là-haut, tout juste achevaient

                      Leur gloria.

Et, de tout coin, au gîte allaient bergers, bergers,

                      S’agenouiller.

 

    On dit qu’en ce jour de grande allégresse,

                Une pauvre enfant,

Une vierge dolente, aveugle de naissance,

                  Disait, en pleurs

Mère, pourquoi vouloir que seule ici je reste ?

                  Je languirai !

Du temps que vous dorloterez cet enfançon,

                  Je pleurerai.

 

– Que tes larmes, mon sang, lui répondait sa mère,

                  Me font pitié !

Nous t’emmènerions bien, mais que viendrais-tu faire ?

                  Tu ne vois pas !

À la soirée, demain, que tu seras contente

                Quand nous reviendrons !

Tout ce que nous aurons vu, ma pauvre affligée,

                  Nous te le dirons.

 

– Je sais que dans la boue et dans la nuit sournoise

                Il me faudra marcher !

Ô beau visage d’or, divine créature,

                Je ne te verrai pas !

Mais qu’est-il besoin d’yeux, bonne mère, pour croire,

                    Pour adorer ?

Ma main, enfant de Dieu, si je ne puis te voir,

                    Te touchera !

 

L’aveugle pleura tant, et tant pria, pauvrette !

                    À ses genoux,

Tant lui perça le cœur que plus ne put sa mère

                    Lui dire non.

Quand ensuite à la crèche arriva la fillette,

                    Elle frémit !

De Jésus sur son cœur elle mit la menotte...

                    Et elle vit.

 

 

Joseph ROUMANILLE.

 

Traduit par Jean Soulairol.

 

Recueilli dans La grande et belle bible des Noëls anciens,

par Henry Poulaille, Albin Michel, 1951.

 

 

 

 

 

 

 

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