La légende de mon ami
En vain tout un long jour sur sa vielle attristée
Le Savoyard chantait, chantait qu’il avait faim,
Nulle obole ne fut jetée ;
Pourra-t-il attendre demain !
Lors, il pénètre dans l’église
Et s’agenouille vers l’autel,
Où sainte Cécile est assise,
La patronne du ménestrel.
En le voyant la sainte, émue,
Se réveille dans sa statue,
Lui donne un de ses pendants d’or ;
Chez l’orfèvre de la couronne,
Joyeux, il court porter le don de sa patronne,
Le vend et n’y peut croire encor.
Mais la parure est reconnue ;
L’enfant de la Savoie aux juges est livré,
Et cette sentence est rendue :
« Pour un tel forfait avéré
« Demain, à midi, le coupable
« Devra faire amende honorable
« À la sainte qu’il offensa ;
« Puis sur notre plus grande place,
« Qu’on l’expose à la populace ;
« Une heure après on le pendra. »
Le lendemain arrive : ô miracle ! ô merveille !
De nouveau la sainte s’éveille,
Et détachant son autre pendant d’or
Au pauvre Savoyard, elle en fait don encor.
Soudain, ce fut à qui briserait sa chaîne,
Et tous rendirent grâce à Dieu.
Telle est la légende lointaine
Qu’un ami m’a contée : adieu.
Jn-Bte ROZIER.
Paru dans Les voix poétiques en 1868.