Sur la hauteur

 

 

Sur la hauteur, dans la lande de Saarijärvi – Pavo avait sa terre où il gelait tôt. – Le travail était dur mais il avait des bras robustes – Et il attendait la récolte du Seigneur – C’est là qu’il vivait avec femme et enfants – Partageant son pauvre pain durement gagné – Creusant des fossés, labourant et semant – Quand vint le printemps et la fonte des neiges – Les eaux emportèrent la moitié du blé vert. – Puis ce fut l’été : des averses de grêle – Détruisirent la moitié des épis. – Enfin vint l’automne : le gel prit le reste. – La femme de Pavo se lamenta, disant : – « Pavo, tu es né pour le malheur ! – Partons sur les chemins, le Seigneur nous a abandonnés. – Il vaut mieux mendier que mourir de faim. » – Alors Pavo prenant la main de sa femme dit : « Le Seigneur ne nous abandonne pas – Il nous éprouve seulement. – Mélange d’écorce – le pain désormais. Moi je creuserai – deux fois plus de fossés – et j’attendrai la récolte du Seigneur. » – La femme fit un pain moitié d’écorce – Et Pavo creusa double de fossés. – Il vendit ses moutons pour du seigle qu’il sema. – Quand vint le printemps et la fonte des neiges – Les eaux n’emportèrent point le blé vert. – Puis ce fut l’été : des averses de grêle – Détruisirent la moitié des épis. – Enfin vint l’automne : le gel prit le reste. – La femme de Pavo, se frappant la poitrine, dit : – « Pavo, tu es né pour le malheur ! – Il faut mourir, le Seigneur nous a abandonnés. – Il est dur de mourir, mais vivre est pire encore. » – Alors Pavo, prenant la main de sa femme, dit : – « Le Seigneur ne nous abandonne pas – Il nous éprouve seulement ; mets le double – d’écorce dans le pain ; je creuserai – des fossés deux fois plus grands – Et j’attendrai la récolte du Seigneur. » – La femme mit double d’écorce dans le pain – et Pavo creusa des fossés deux fois plus grands. – Il vendit ses vaches pour du seigle qu’il sema. – Quand vint le printemps et la fonte des neiges – Les eaux n’emportèrent point le blé vert. – Puis ce fut l’été : les averses de grêle – ne brisèrent pas un seul épi. – Enfin vint l’automne, avec ses gelées : – Elles n’approchèrent point du champ de Pavo – qui resta doré ; et le moissonneur – s’agenouilla alors disant : – « Le Seigneur éprouve les hommes mais Il ne les abandonne pas. » – Sa femme s’agenouilla aussi et dit : – « Le Seigneur éprouve les hommes mais ne les abandonne pas. » – Joyeuse alors s’adressant à Pavo, elle dit : – « Pavo, prends ta faucille dans la joie – Voici venus les jours heureux – Nous aurons enfin du pain de vrai seigle. » – Pavo prit la main de sa femme et dit : – « Femme, celui qui traverse l’épreuve – n’abandonne pas son prochain dans la misère. – Mélange moitié d’écorce notre pain – car le champ du voisin est gelé. »

 

 

 

Johan Ludvig RUNEBERG.

 

Traduit du suédois par Jean-Clarence Lambert.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie suédoise, Seuil, 1971.