Prière de la vieille
pour le tyran Denys
Quand le tyrannique Denys, est-il dit
chez Plutarque, eut tant de sang rouge versé
que chacun prit sa rage en grande inimitié
et voulut chaque jour qu’il fût promptement mort,
il ne resta qu’une vieille priant pour lui
chaque matin publiquement devant l’autel,
que les dieux voulussent bien
garder la vie du roi de tout malheur.
Le tyran fit quérir la vieille et lui dit :
« Pourquoi pries-tu pour ma vie,
alors que chacun est effrayé par moi,
et que tous ne désirent rien que mon trépas ? »
La vieille dit : « Aux jours de mon enfance
régnait très durement un tyran fort méchant,
et, quand on l’eut abattu,
un bien plus méchant est venu.
Puis quand la mort eut aussi celui-là ravi,
ce fut le début de ta propre tyrannie.
Tu nous es plus que les deux autres encore malfaisant,
comme on le ressent chaque jour à te souffrir ;
voilà pourquoi, en vérité, j’implore les troupes célestes
que la vie te soit plus longuement accordée ;
je crains que si tu viennes à disparaître,
un plus méchant que toi prenne ta place. »
Hans SACHS.
Recueilli dans Anthologie bilingue
de la poésie allemande,
Gallimard, 1993.