La mort et l’archange
LA MORT.
La terre est un tombeau qui roule dans le vide !
L’ARCHANGE.
La terre est un berceau que je couvre de fleurs.
LA MORT.
Sépulcre ouvert sans cesse et toujours plus avide.
L’ARCHANGE.
Tabernacle où je viens pour tarir bien des pleurs.
LA MORT.
Le genre humain y meurt avec la bête immonde.
L’ARCHANGE.
L’âme y vient méditer avant l’éternité.
LA MORT.
Je veux dans mon linceul envelopper ce monde.
L’ARCHANGE.
Afin que je l’emporte aux cieux ressuscité.
LA MORT.
Mais toi, qui donc es-tu pour me parler en maître,
Comme un prophète assis au seuil de l’avenir ?...
L’ARCHANGE.
Mort, parmi tous les tiens je n’ai pas un ancêtre...
LA MORT.
Beau jeune homme, avec moi pourquoi ne pas t’unir ?...
L’ARCHANGE.
Je suis ange de Dieu, frère de l’âme humaine ;
Ma patrie est là-haut, mon royaume ici-bas...
Tu fauches en passant les fleurs de mon domaine...
Je les sème à mon tour plus belles sous tes pas.
LA MORT.
Ange, tu reproduis jusqu’à l’heure dernière...
Mais arrive cette heure et tu t’envoleras...
L’ARCHANGE.
Tu l’as dit. L’univers fermera la paupière ;
Et, tout étant fini, toi, la mort, tu mourras !
Jules de SAINT-FÉLIX.
Paru dans La France littéraire en 1835.