Le laboureur et la Providence
Un paysan, fatigué, durant l’été ardent, reposait, pacifique et tranquille, sous un chêne.
De son doux séjour, il regardait avec gratitude le bien dont la terre récompensait ses pénibles travaux.
Entre mille productions, filles de sa culture, il voyait des courges, des melons, épars sur le sol.
Pourquoi, se disait-il, la Providence mit-elle le gland vil en un endroit élevé et prééminent ? Combien mieux vaudrait que, troquant leur destination, courges, melons et concombres pendissent aux branches ?
Fort à propos, tandis qu’il parlait ainsi, un gland tomba et lui frappa le nez à l’improviste.
Par Dieu ! s’écria alors le naïf paysan, si au lieu d’un gland c’eût été quelque gros melon,
Certes, j’aurais pu m’estimer heureux, dans un cas semblable, de rester sans nez, mais vivant.
Ici, la Providence voulut lui montrer qu’elle sut indiquer sagement à chaque chose sa destination.
Tout est réparti pour le plus grand bonheur de l’homme : le poisson pris dans sa coquille, et l’oiselet libre dans l’air.
Félix Maria de SAMANIEGO.
Recueilli dans Anthologie de la littérature espagnole
des débuts à nos jours, par Gabriel Boussagol,
Delagrave, 1931.