Le vieux hibou
À Jacques et Marie-Thérèse P.
Un Vieux Hibou logeait dans une vieille Tour.
La demeure était sombre, et plus sombres toujours
les pensées du Propriétaire.
Cet impitoyable Censeur
maudissait le Ciel et la Terre...
– « Je ne vois ici-bas que sottise et noirceur !
Ah ! Si j’étais le Créateur
j’aurais depuis longtemps anéanti ce monde ! »
Tel était le sermon qu’il prêchait à la ronde.
Une Hirondelle dans son trou
vint se garer d’un gros orage.
Le Misanthrope des hiboux,
profitant de cet avantage,
lui dévida bientôt ses malédictions.
Et se lissant la queue Madame l’Hirondelle
écouta le propos avec attention,
puis, quand il eut fini... – « Selon vous, lui dit-elle,
fripons et braves gens, c’est tout itou pareil,
et vous n’apercevez ni vertu ni soleil ?
Je ne le croyais pas... Votre discours m’éclaire...
Mais... sur votre personne... il court de certains bruits...
Quand donc observez-vous la terre ?
– Tous les soirs ! De neuf à Minuit ! »
On ne peut croire à la Lumière
quand on se promène la nuit.
SAMIVEL, Chapeaux pointus, suivi de
80 autres fables françaises, Stock, 1945.