Le blaireau et l’écureuil

 

 

                                Paresseux, jusques à quand te tiendras-tu couché ?

                                quand te lèveras-tu de ton lit ? Un peu de sommeil,

                                dis-tu, un peu de sommeil, un peu de ploiement de bras,

                                afin de demeurer couché ; et ta pauvreté viendra

                                comme un passant et ta disette comme un soldat.

                                                                          (Prov., VI, v. 9, 10, 11.)

 

 

Un blaireau s’était fait une sûre demeure,

Au fond d’un antre obscur, loin du monde et du bruit,

À l’abri du renard, de l’homme et de tout leurre,

Il sommeillait te jour et bien souvent la nuit.

 

Il ne se décidait à sa chasse nocturne

Contre les lapereaux, que poussé par la faim.

Animal solitaire, oisif et taciturne,

Son suprême bonheur est un repos sans fin.

 

Si parfois il mettait le nez à la fenêtre

Pour respirer le frais à la chute du jour,

Il voyait l’écureuil cueillant les fruits du hêtre,

Grimpant, glissant, montant, descendant tour à tour.

 

« Dis-moi, gentil voisin, d’où vient tant de prestesse !

Rien qu’à te voir sauter je tombe en pâmoison,

Ta peine et ton travail fatiguent ma paresse,

Pour quelques fruits faut-il cette agitation ? »

 

L’écureuil se garda de cesser sa cueillette :

« Blaireau, répliqua-t-il, je déplore ton sort,

Languir comme tu fais, au fond d’une retraite,

Pour nous autres serait plus triste que la mort. »

 

 

 

Marie SANDRAS,

Les noix dorées de l’arbre de Noël,

1872.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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