Les deux lampes

 

 

Tout reposait au temple solitaire,

Où veille, du Seigneur, l’éternelle bonté,

Une lampe brûlait, et dans le sanctuaire

            Répandait sa pâle clarté.

Une autre lampe auprès pendait inanimée

Sans chaleur et sans flamme, et l’huile parfumée

Reposait inutile en son sein argenté.

« Vous voilà, disait-elle, à demi consumée.

Ma sœur, je plains votre destin

Du liquide trésor que je porte en mon sein,

Demain, je serai pleine encore,

Hélas ! que serez-vous, demain ?

– Ne me plaignez pas, répond l’autre,

J’aime mieux mon sort que le vôtre,

Puisqu’il faut en finir, qu’importe le moment ?

La lampe où ne luit nulle flamme

C’est un corps sans âme

Qui languit éternellement.

Je bénis la main qui m’allume,

Car en brûlant, je me consume,

Mais j’éclaire, en me consumant. »

 

 

Anatole-Philippe de SÉGUR.