Les tourterelles de saint François
Un jeune homme d’Assise avait pris dans les bois
Un grand nombre de tourterelles.
Il leur avait lié les ailes,
Et s’en allait les vendre. Or, le bon saint François
Qui tendrement aimait ces humbles créatures,
Par emblème des âmes pures,
L’aperçut et lui dit : « Pour l’amour du Sauveur,
Veux-tu m’abandonner, mon fils, ces tourterelles ?
Si tu les vends à l’oiseleur
Elles pourraient tomber entre des mains cruelles
Qui les feraient mourir, et ce serait pitié.
Étant le vrai portrait des cœurs doux et fidèles
Que Dieu tient en grande amitié. »
Le jeune homme avec joie
Déposa dans ses mains son innocente proie ;
Saint François les reçut, les serra sur son cœur,
Et d’un accent plein de douceur.
« Chères petites sœurs, aimables tourterelles,
Vos pieds étaient captifs et captives vos ailes !
Comment vous êtes-vous laissé séduire ainsi
À des pièges grossiers ? Mais grâce à Dieu, voici
Que le Seigneur Jésus qui vous donna la vie,
Vous la rend par la main de son vil serviteur.
Allez donc et croissez, troupe heureuse et bénie,
Suivant l’ordre du Créateur !
Il dit, et de sa main travaille avec ses frères
À suspendre des nids aux arbres d’alentour,
Pour abriter leur tendre amour,
Amour des petits et des mères.
Les innocents oiseaux, dociles à sa voix,
Fixèrent leur séjour en ces demeures chères,
Et leur postérité remplit encor ces bois.
Le peuple d’alentour les respecte et les nomme
Les tourterelles de saint François.
Anatole-Philippe de SÉGUR.