Le joueur de bandoure
En Ukraine autrefois vivait,
De corps solide et de cœur pur,
Un vieil aveugle encor robuste,
Musicien à cheveux blancs.
Chapeau noir, souquenille grise
Et sa bandoure en bandoulière,
Il parcourut, bien des années,
Les villages de sa contrée.
Des vers d’or et des chants magiques
Tombaient des lèvres de ce sage ;
Et les cordes de la bandoure
Pleuraient sous les doigts du vieillard.
Que de sourires radieux,
Que de larmes il faisait naître,
Et partout où l’oiseau de Dieu
Pouvait se poser, il chantait ;
Dans ces airs il mettait son âme,
De ces airs nourrissait son corps ;
Anonyme par sa naissance,
Anonyme il s’est endormi.
Il est mort, le cosaque ! Mais
Ses chants vivent, chacun les chante !
Leurs harmonies familières
Semblent au cœur s’insinuer !
En s’endormant dans la nuit sombre,
Les enfants, peuple de demain,
L’entendent qui, dans le lointain,
Chante encore, aux chants de leur mère.
Konstantin Konstantinovitch
SLOUTCHEVSKI.
Recueilli dans Anthologie de la poésie russe,
choix, traduction et commentaires de Jacques David,
Stock, 1947.