Souvenir du Pays basque

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Léon de SOUPROSSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

QUAND on quitte Bayonne par la porte d’Espagne, non toutefois sans donner un regard d’adieux à ses allées marines, délicieuse promenade sur le bord de l’Adour, à sa citadelle majestueusement posée sur la colline, l’œil fixé sur les Pyrénées comme une sentinelle avancée de la France, deux routes se présentent. L’une à gauche conduit à Cambo, aux montagnes ; l’autre à droite mène à Biarritz, à la mer.

Biarritz, il y a vingt ans, n’était encore qu’un hameau habité par quelques pauvres pêcheurs ; aujourd’hui c’est presque une ville.

Rien n’est plus pittoresque, plus gracieux à la vue que ce groupe de petites maisons blanches avec leurs contrevents verts, leurs toits en tuiles rouges, presque toutes bâties sur le roc et se dessinant en silhouettes sur l’azur de la mer. Malheureusement pas de massifs d’arbres, pas de ces grands chênes verts qui repoussent un tableau et reposent la vue, quelques pins seulement et encore décrépits, souffreteux.

Du coteau qui domine Biarritz, l’œil embrasse presque tout le golfe de Gascogne. Sur le rivage et au nord on aperçoit le phare de Bayonne, l’un des plus beaux de l’Océan ; puis deux autres tours servant à signaler aux vaisseaux, à leur entrée en rivière, ces bancs de sable qui de loin ressemblent à des festons d’écume blanche sur les eaux verdâtres de l’Adour ; au midi les ports de Saint-Jean de Luz, du Passage, Fontarabie et même Santander quand L’air est assez limpide.

La plage de Biarritz est unie, sablonneuse, parsemée çà et là de quelques rochers sur lesquels viennent s’abattre par milliers, tous les soirs, les oiseaux de la mer.

Une anse appelée vieux port est surtout propice aux baigneurs. La nature l’a creusée au pied de trois collines. Elle est de forme circulaire et d’une étendue bien calculée pour que chacun ait son champ libre, l’eau libre, veux-je dire, et pour que les secours soient facilement donnés aux nageurs imprudents. Les vagues, du reste, sont ici moins dangereuses que partout ailleurs, grâce à d’énormes blocs de granit qui, placés à l’entrée du port, les brisent, pour les laisser ensuite se répandre plus doucement.

À l’heure de la marée, il est amusant de voir ces hommes, ces femmes aux singuliers costumes se précipiter pêle-mêle dans l’eau, nager, se rouler, crier de peur. Celles-ci encouragent les autres, les plus forts soutiennent les plus faibles, et tous s’abandonnent sans réserve comme sans coquetterie aux rires, aux plaisirs du bain.

Mais le soir, à la promenade, la toilette reprend ses droits. Toutes les jolies femmes de Bayonne ou du Pays basque, lionnes ou grisettes, rivalisent d’élégance ; les beaux du voisinage viennent aussi y étaler leur grâces, qui à cheval, qui en voiture.

Nos pères seraient bien étonnés en vérité, eux dont les mœurs étaient si simples, les goûts si modestes, s’ils voyaient, au lieu de ces cabanes, des hôtels somptueux ; au lieu de ce sentier praticable il y a quelques années encore aux mulets seuls et à ces petits chevaux du pays dont rien n’égale la force, une route large et bien ferrée ; au lieu des modestes cacolets qui les transportaient eux, leur famille et leurs provisions, des diligences, des omnibus, que sais-je, moi ? toute espèce de véhicules qui se croisent à toutes minutes, emportant avec une vitesse souvent effrayante des centaines de voyageurs et d’oisifs.

Au mois de juillet 184*, par cette route que tout à l’heure je vous disais conduire aux montagnes, une voiture attelée de deux chevaux bais descendait, au pas, la côte assez escarpée de l’A***. C’était le soir. Le soleil venait de descendre derrière les montagnes, mais la mer resplendissait encore des feux du couchant. On aurait dit, à la voir balancer sur ses ondes des milliers de volutes d’écume, blanche comme la neige, qu’elle roulait des flots d’argent.

Sur le penchant de la colline, Cambo, ce joli village, si pittoresquement assis à cent mètres au-dessus de la Nive, laissait voir le haut de son clocher. – À gauche, Larresfore et son petit château féodal ressortaient au milieu d’un bois comme une fleur de nénuphar étincelle sur les eaux tranquilles d’un lac. – À droite, et pour encadrer le tableau, la chaîne des Pyrénées se déployait en belles lignes onduleuses avec ses chalets répandus çà et là sur la crête des montagnes ; des prairies, des champs de verdure, des troupeaux de brebis blanches le long des sentiers.

Et puis dans l’air, le son d’un cor de chasse se mêlait aux aboiements des chiens, aux chants des bergers, aux cris aigus et prolongés des muletiers, au tintement des cloches sonnant l’Angelus ; on aurait dit un concert joyeux, comme une hymne à la Providence, chantée par toutes les voix de la nature pour la remercier d’un si beau jour.

– Vois, Marie ! comme la nature s’est parée ce soir, comme le ciel est pur, la campagne riante, comme tout respire le bonheur, la tranquillité sous ces toits de chaume. Toi seule, ma fille, tu es triste, pensive. Oh ! prie, voici l’Angelus, prions la Vierge qu’elle écoute nos vœux, qu’elle te rende à la santé.

Ses yeux versaient des larmes, elle serrait son enfant dans ses bras pendant que son cœur murmurait une prière, une de ces prières que savent seuls les cœurs des mères, et qui vont droit à Dieu,

Marie n’avait pas encore vingt ans. Elle était née sur l’une de ces montagnes qui tout à l’heure allaient disparaître à l’horizon. Ses yeux grands et noirs, singulièrement vifs et animés quelquefois, ses cheveux noirs aussi tombant en boucles épaisses sur ses épaules après avoir encadré de leurs contours un visage régulier et calme, mais pâle, maladif, donnaient à sa beauté un caractère tout à fait original.

Si comme moi, un soir, sous le clair de lune, vous l’eussiez aperçue rêveuse, appuyée sur son balcon, le regard fixe et plongé dans la vallée, vous auriez cru voir la Polymnie antique rêvant aux sphères idéales de Platon.

De bonne heure, Marie fut destinée par sa famille à M. Alfred de V***, unique descendant d’une vieille race, la plus pure peut-être de ces contrées. – Car, dans ce Pays basque, où toutes nos idées modernes n’ont pas encore pénétré, le vieil usage des fiançailles subsiste encore. – C’était un beau jeune homme ; un front haut, intelligent ; des allures franches ; le teint brun, la physionomie d’un créole.

Un jour, ensemble, sous un épais berceau de feuillage, ils regardaient passer dans le chemin creux les habitants du hameau. Hommes, femmes, enfants, tous, en apercevant la jeune fille, s’inclinaient avec respect, et leur voix émue semblait rendre un vœu de leur âme quand ils lui disaient bonjour !

– Comme ils vous aiment, mademoiselle, ils ne semblent pas même s’apercevoir de ma présence, tous leurs souhaits sont à vous. Heureux celui à qui vous tendez la main, qui partagera votre existence, qui, lui aussi, vous entourera de son amour.

Une autre fois, causant tous deux d’avenir, comme on en cause à cet âge, je veux dire en enfants, ils étaient venus s’asseoir près d’un ruisseau dont les eaux bondissaient en murmurant sur un lit de roches.

– Alfred, dit Marie, ce ruisseau, comme un miroir, reflétait tout à l’heure en passant les fleurs de la prairie ; maintenant que des obstacles l’arrêtent, voyez comme il lutte, comme il est furieux, on le reconnaîtrait à peine.

– Notre vie est comme ce ruisseau, Marie : tant que le chagrin ou les peines ne viennent pas l’arrêter dans son cours, elle s’envole heureuse, tranquille, nous laissant, lui dit-elle, le bonheur ; mais quand la souffrance vient l’atteindre, oh ! alors commence la lutte, lutte à laquelle l’homme trop fatigué succombe quelquefois.

– Mais ces eaux suivent nécessairement leur cours, tandis que l’homme, après l’épreuve, peut, par son énergie, sa volonté, renaître à des jours meilleurs ?

– Pas toujours, Marie, il est des douleurs qui tuent vite.

– Oh çà ! oui, je le comprends, et si vous cessiez de m’aimer.

– Jamais, jamais, mon amie.

– Jamais, dites-vous ; eh bien, consultons l’oracle. Jetez, si vous l’osez, dans le courant, cette pâquerette : si elle surnage, ce sera d’un heureux présage.

– Et si elle allait disparaître, Marie ?

– Oh ! alors.

– Vous ne me condamneriez pas quand même, n’est-ce pas ?

– Soit ; mais voyons donc si l’oracle est menteur.

La fleur tomba dans l’eau. Un instant elle fut ballottée, meurtrie par les rochers, elle disparut ensuite.

Alfred, tout ému, prit Marie dans ses bras, la serra contre sa poitrine, et, à défaut de paroles, ses baisers et ses larmes protestèrent de son amour.

La pauvre enfant plia sous cette étreinte, et sa jolie tête, renversée sur l’épaule de son amant, se couvrit d’une rougeur angélique.

Mais à côté de cet amour naissant, un autre sentiment régnait en maître dans le cœur d’Alfred : son affection pour sa mère. Cet ange qui lui avait souri dans son berceau, qui, depuis son enfance, le suivait des yeux et du cœur, heureux de ses plaisirs, triste de ses souffrances, toujours bon, toujours affectueux, toujours lui tendant les bras, c’était son culte à lui, son idole, sa divinité. Ô l’amour d’une mère ! il faut l’avoir éprouvé pour le comprendre, et on ne le comprend bien que quand on ne l’a plus ! Un vide immense se fait alors dans l’âme, que rien ne saurait combler.

Alfred avait vingt-deux ans quand la mort, frappant sa mère, du même coup brisa son cœur. Un instant il espéra mourir, aller la rejoindre, mais il se réveilla, et ce réveil fut affreux. Le monde lui apparut alors comme un désert immense, sur lequel planait le génie malfaisant de la fatalité. La fatalité, à ses yeux, c’était la mort qui, à droite et à gauche, fauchait en aveugle. Dieu, certainement, était mensonge, il n’existait pas, car s’il eût existé, il aurait épargné sa mère. – Dieu, c’est bien souvent la personne qu’on aime, et l’on arrive aussi bien à la foi par l’amour qu’au doute par la souffrance. – Il douta, lui. En quelques jours, d’enfant qu’il était, il devint homme, et l’homme fut sérieux, triste, froid surtout. Ce toit qui l’avait vu naître, ces bois que naguère il aimait tant, cette belle nature qui parlait à son imagination, tout cela lui devint insupportable. Rien ne pouvait contre cette douleur, Marie elle-même se voyait impuissante. Il fallait l’éloigner, elle y réussit non sans peine. Partez, mon ami ; je reste ici près de son tombeau, dans quelques mois vous viendrez m’y rejoindre, quand l’absence et la distraction auront un peu triomphé de vos pleurs ; ou plutôt, pensait-elle, quand mes douces consolations auront guéri sa blessure, lorsque mon amour aura vaincu le souvenir.

Il partit pour Paris triste, découragé, regrettant ce qu’il abandonnait, détestant à l’avance ce qu’il allait voir.

C’est dans cette disposition d’esprit sans doute que trois mois après son arrivée il lui écrivait ces mots :

« Vous me demandez, Marie, de causer ensemble de Paris, et nous sommes au mois de mai, et vous habitez nos montagnes !!... Que vous dirai-je, sinon que j’y manque d’air pur, d’harmonies naturelles ; que tout y est triste comme l’ennui, désespérant comme le malheur ? J’ai beau chercher, je n’y trouve ni poésie élevée, ni inspiration véritable, ni politesse partant du cœur, ni bienveillance générale, ni sympathies partagées, ni échange d’idées et de sentiments ; pas de lien commun entre tous ces êtres, pas d’abandon, pas de grâces, pas de pudeur, et encore moins de sincérité. »

Il parlait ainsi de Paris, mais il ne le connaissait pas, ou plutôt il le voyait au verre grossissant de ses rêveries. – Quand nos sensations sont émoussées, rien ne peut les réveiller en nous ; et quand notre intelligence, après avoir tout creusé, s’arrête au doute, au néant, qui est le vide absolu, le non-être, comment juger les choses morales, l’homme, la société ?... –

Alfred revint peu à peu de sa première prévention. Le bruit de Paris l’avait étourdi d’abord, il s’y habitua. En plongeant plus avant le scalpel dans ce monde qu’il avait si défavorablement jugé, il y vit de nobles actions faites dans l’ombre, moins de médisance que partout ailleurs, plus de dévouement, plus d’indulgence et surtout plus de charité.

Ce que n’avait pas encore tout à fait complété le raisonnement, l’amour ensuite l’acheva. Il rencontra une femme qui sut deviner ses chagrins et y porter remède. C’était une de ces belles créatures qui, sous les apparences d’une froide coquetterie, cachent une âme aimante et sensible. Quand ces femmes rencontrent un cœur tendre à qui elles osent se confier sans réserve, une nature souffrante qui réclame du dévouement, vous voyez leur amour se lever et grandir jusqu’au sacerdoce. Deux blanches mains savent alors sécher vos larmes, et il y a dans leurs caresses un baume pour toutes nos douleurs.

Alfred, près d’elle, vit les beaux jours revenir ; il ne douta plus de la Providence, et la pria quelquefois pour sa mère ; souvent aussi il pria sa mère pour celle qui la remplaçait près de lui.

Et Marie ?...

Depuis ce moment où, pour la première fois, pressée dans les bras d’Alfred, elle avait senti frémir son être, les mystères de la vie s’étaient tout à coup développés à ses yeux, elle était femme, elle aimait. Elle aimait avec une âme passionnée, une organisation nerveuse et maladive, un cœur de vingt ans. Libre, et pouvant sans crime laisser aller son âme aux émotions de ce premier amour, elle y avait suspendu ses plus douces pensées, ses désirs, son bonheur futur.

L’absence même, si souvent, hélas ! tombeau des affections, augmenta la science, si c’est possible, du charme des souvenirs, des rêves de l’espérance. – Le soir, quand les ombres de la vallée montaient, que le silence de la nuit planait autour d’elle, son imagination franchissait la cime des montagnes, parcourait ce monde qu’elle ne connaissait pas, cherchant à travers l’espace ce point où reposait l’objet aimé. Il lui semblait, ombre légère, nager dans le vide immense, lui apparaître comme un songe des nuits. Il souriait à son image, tendait les bras comme pour l’embrasser, mais elle échappait à son étreinte, se réveillait ensuite, et dans sa poitrine son cœur seul battait plus fort.

Deux ans se passèrent ainsi ; elle pleurait sans se plaindre. Quand son chagrin devint trop vif, et que la crainte commença, elle lui écrivit.

« Alfred, il y a deux ans aujourd’hui, à cette heure, que votre mère est morte, et je suis seule encore, toujours seule à pleurer sur son tombeau. J’ai prié pour vous, mon ami, je l’ai priée aussi pour moi, car je souffre de votre absence plus que vous ne le pensez, sans doute, plus aussi que je n’ose le dire. Oh ! si votre cœur n’est pas changé, venez vite, Alfred, venez rendre le repos à ma vie, l’espérance à mon cœur. »

Un mois, deux mois, trois grands mois se passèrent, et la réponse ne vint pas. Il écrivit cependant, mais à d’autres et pour les rassurer sur son compte. Il vivait, il était heureux !

Comme une rose s’effeuille au vent des orages, ainsi s’effeuillèrent une à une les illusions de Marie. Avec ses illusions disparurent cette énergie, cette force de volonté, cette puissance de l’amour qui semblait seule soutenir dans son corps la vie qui s’en allait ; elle s’affaissa sur sa tige, une longue agonie commença.

Consultés par sa mère, les médecins, comme d’habitude, ne comprirent rien à son mal ; ils conseillèrent toutefois les bains de mer, les distractions, le plaisir ; ils pensaient juste sans s’en douter.

Où allait donc cette voiture, où allaient ces deux femmes que tout à l’heure nous suivions sur la colline ? À Biarritz, parce que là était la foule, là les connaissances, les amis, comme on dit quelquefois.

Malheureusement les bains de mer n’eurent aucune influence salutaire sur le mal de Marie. Quelques journées sans souffrance, quelques moments de gaieté folle vinrent parfois rendre un peu d’espoir à sa mère, une mère espère toujours !... mais ensuite ses traits pâlissaient davantage, et un plus grand accablement succédait à ces efforts nerveux.

Marie conserva toujours sa douceur de caractère. Elle accueillait d’un sourire triste, mais angélique et résigné, les vœux de ses amis. Quelquefois cependant, dans la nuit, quand elle se croyait seule, elle pleurait, la pauvre enfant, sa jeunesse flétrie, ses illusions tombées, le bonheur qu’elle avait entrevu. Son secret, jamais elle ne le dit à personne, Dieu seul en reçut la confidence quand elle le pria pour celui qui la faisait mourir. Une nuit néanmoins, pendant son sommeil, un nom lui échappa entre deux soupirs arrachés par la douleur. Ce fut comme un éclair pour sa mère, elle comprit enfin. À l’instant même partit pour Paris le vieux serviteur de la famille, porteur de cette lettre :

 

        « Monsieur,

 

« Votre absence tue ma fille, elle vous aime, elle en mourra. Si vous voulez la conserver à sa mère, si vous voulez la voir vous-même avant que son âme s’envole, partez tout de suite et que Dieu vous donne des ailes. Je vous le demande au nom de votre mère à vous, de son saint souvenir. Votre mère, Alfred, du haut des cieux, elle vous bénira si vous écoutez ma prière, moi je vous devrai plus que la vie. »

 

C’était par une de ces belles journées que l’automne semble arracher avec peine aux premiers frimas de l’hiver. Alfred était à la fenêtre, savourant les derniers rayons du soleil quand le domestique entra et lui remit ces mots. Il pâlit tout à coup comme si la foudre fût tombée à ses pieds. Un terrible combat se livrait dans son âme entre l’amour et le devoir. Longtemps il hésita, un instant il fut près de céder, mais sa vue à ce moment s’arrêta par hasard sur un portrait de femme, et malgré ses remords il resta.

Le 8 dumois d’octobre suivant, nous allions partir gaiement pour la chasse, mes amis et moi, lorsqu’on nous remit cette lettre :

 

« Vous êtes prié d’assister au service funèbre de mademoiselle Marie L***, qui aura lieu en l’église de A***, le 9 octobre au matin.

« Priez pour elle.

                        « De la part de sa pauvre mère. »

 

Nous nous séparâmes en silence, des larmes dans les yeux.

On ensevelit Marie sous un buisson de roses, c’est une coutume du Pays basque. Là, pas de cyprès, pas d’arbres funéraires sur les tombeaux. La mort, pour ce peuple exceptionnel, n’est pas un deuil, c’est un sommeil, c’est le repos dans les bras de Dieu.

Dors donc au sein de l’éternel, pauvre fleur fanée avant l’âge. Peu de gens ont su ton secret, je l’ai deviné, peut-être moi, étranger, que le hasard avait conduit près de ta tombe. Si j’ai donné ces quelques mots à ta mémoire, c’est que chaque douleur a un écho dans mon âme, c’est qu’aussi il n’est peut-être personne parmi les hommes qui n’ait gardé en un réduit secret de sa pensée le souvenir de quelque mystère d’amour, de quelque saint dévouement du cœur.

 

 

 

Léon de SOUPROSSE.

 

Paru dans L’Hermès en 1844.

 

 

 

 

 

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