Dialogue du Christ, de l’âme et des anges

 

 

 

LES ANGES. – « Ô Christ tout-puissant ! quel voyage faites-vous ? Pourquoi cheminer pauvrement comme un pèlerin ? »

 

LE CHRIST. – « J’avais pris une épouse, à qui j’avais livré mon cœur. Je la parai de joyaux pour en tirer honneur : à ma honte, elle m’a quitté. C’est ce qui me fait aller triste et en peine. Je lui prêtai ma forme et ma ressemblance... – Afin que toutes ses vertus trouvassent leur emploi, je voulus que l’âme eût le corps pour serviteur : c’était un bel instrument, si elle ne l’avait désaccordé ! – Afin qu’elle eût lieu d’exercer ses puissances, pour elle je formai toutes les créatures. Ces biens pour lesquels elle devait m’aimer, elle m’en a fait la guerre. »

 

LES ANGES. – « Seigneur, si nous la trouvons, et qu’elle veuille revenir, faut-il lui dire que vous pardonnez ? »

 

LE CHRIST. – « Dites à mon épouse qu’elle revienne, qu’elle ne me fasse point souffrir une mort si douloureuse. Pour elle je veux mourir, tant je suis épris d’amour. – Avec grande joie je lui pardonne, je lui rends les ornements dont je l’avais parée... De toutes ses félonies je n’aurai plus souvenir. »

 

LES ANGES. – « Âme pécheresse, épouse du grand époux, comment ton beau visage est-il plongé dans cette fange ? et comment donc as-tu fui celui qui t’accorde tant d’amour ? »

 

L’ÂME. – « Quand je songe à son amour, je meurs de honte. Il m’avait mise en grand honneur : où suis-je tombée maintenant ? Ô mort douloureuse ! comment donc m’avez-vous environnée ? »

 

LES ANGES. – « Pécheresse ingrate, retourne à ton Seigneur. Ne désespère point : pour toi il meurt d’amour... Ne doute pas de son accueil, et ne tarde plus. »

 

L’ÂME. – « Ô Christ miséricordieux ! où vous trouverai-je, ô mon amour ? Ne vous cachez plus, car je meurs de douleur. Si quelqu’un a vu mon Seigneur, qu’il dise où il l’a trouvé. »

 

LES ANGES. – « Nous l’avons trouvé suspendu à la Croix, nous l’y avons laissé mort, tout brisé de coups. Pour toi il a voulu mourir. Il t’a achetée bien cher. »

 

L’ÂME. – « Et moi je commencerai les lamentations d’une cruelle douleur. C’est l’amour qui vous a tué, vous êtes mort pour mon amour. Ô amour en délire, à quel bois as-tu suspendu le Christ ! »

 

 

Jacopone da TODI.

 

Traduit par Frédéric OZANAM.

 

 

 

 

 

 

 

 

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