Agonie
1. LA SÉRÉNADE.
– Ô ma mère ! qui me réveille
Par ces refrains sollicitants ?
Écoute... qui donc si tard veille,
Pour chanter les chansons si douces que j’entends ?
– Je ne vois, je n’entends personne...
Dors... C’est ton mal, mon cher amour,
Qui dans ta tête ainsi résonne ;
Tout dort... et de longtemps ne paraîtra le jour.
– Ô ma mère ! ces voix étranges
Dont tu n’entends, toi, pas le bruit ;
C’est peut-être l’appel des anges
Qui m’attendent là-haut... ma mère, bonne nuit...
2. L’ORGUE.
– Bon voisin, avant que j’expire,
Touchez encor l’orgue pour moi ;
Nous verrons quel est son empire,
Et s’il réveillera dans mon cœur quelque émoi. –
Elle dit et pria ; l’artiste
Fit mieux que tous les autres jours ;
Mais son morceau si doux et triste
Une fois terminé, s’oublia pour toujours.
C’étaient d’étranges symphonies
Qui naissaient alors sous sa main ;
Quand il les eut toutes finies,
La pauvre enfant avait du ciel pris le chemin.
3. LA GRIVE.
Hors du jardin, que l’on me cherche
Sous l’herbe un lit pour tout l’été ;
J’y serai bien, pourvu que perche
Et chante autour de moi la grive en liberté.
Quand un enfant met une grive
En cage, adieu douce chanson ;
Sa tête tombe à la dérive
Contre les barreaux noirs qui forment sa prison.
D’un œil mourant elle supplie
Encor l’enfant froid et mutin,
Puis sur soi-même se replie...
Puis enfin son regard étincelle et s’éteint.
Ludwig UHLAND.
Traduit de l’allemand par Max Buchon.