La Vierge aux enfants

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

Jean VARIOT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA mère de l’enfant mort s’en allait, cheveux épars et criant sa douleur à tous les échos de la forêt profonde. La chair déchirée par les ronces et les épines, les pieds endoloris, les yeux brûlant, elle allait à l’aventure et s’enfonçait sous la voûte sombre des sapins.

Là où la source jaillit, elle tomba épuisée puis resta un assez long temps sans reprendre ses sens. Mais quand elle ouvrit les yeux à nouveau, la nuit était venue et les pâles rayons de la lune traversaient le feuillage. Et soudain, elle entendit un bruit de pas et des chants. Elle aperçut alors une théorie d’enfants, tous pareillement vêtus d’une petite tunique blanche et qui chantaient un cantique à la gloire du Roi des mondes. Et tous ils tenaient, sur leur épaule, une amphore pleine d’une eau débordante.

Une forme blanche, comme une statue, les guidait avec des gestes doux ; c’était une femme au pur visage, au bon sourire, et qui tenait sur son sein un nouveau-né à la tête auréolée d’or éclatant.

Arrivés proche de la source, les enfants un à un jetaient l’eau contenue dans leurs amphores. « Que faites-vous ? cria la mère. Que faites-vous, pauvres innocents ?... »

« Madame, nous sommes morts cette année, répondirent-ils. Cette eau, ce sont les larmes de nos mères que nous jetons dans le ruisseau, et c’est pourquoi il chante si plaintivement. C’est bien triste, Madame... »

Mais soudain, la femme se prit à rire aux éclats. Elle avait reconnu son enfant.

« Oh ! que les bras d’une mère sont chauds ! » murmura-t-il.

Alors, la Vierge immaculée, vierge des sept douleurs, dit à la femme de rester dans la forêt ; et quand vous entendez un murmure entre les feuillages, c’est la femme qui pleure de joie parce qu’elle a retrouvé son enfant.

 

 

Jean VARIOT, Légendes religieuses d’Alsace, 1916.

 

 

 

 

 

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