La femme adultère
Par ses cheveux épars une femme entraînée,
Qu’entoure avec clameur la foule déchaînée,
Paraît : ses yeux brûlants au Ciel sont dirigés,
Ses yeux, car de longs fers ses bras nus sont chargés.
Devant le Fils de l’Homme on l’amène en tumulte,
Puis, provoquant l’erreur et méditant l’insulte,
Les Scribes assemblés s’avancent, et l’un deux :
« Maître, dit-il, jugez de ce péché hideux ;
Cette femme adultère est coupable et surprise :
Que doit faire Israël de la loi de Moïse ? »
Et l’épouse infidèle attendait, et ses yeux
Semblaient chercher encor quelque autre dans ces lieux ;
Et, la pierre à la main, la foule sanguinaire
S’appelait, la montrait : « C’est la femme adultère !
Lapidez-la : déjà le séducteur est mort ! »
Et la femme pleura. – Mais le juge d’abord :
« Qu’un homme d’entre vous, dit-il, jette une pierre
S’il se croit sans péché, qu’il jette la première ! »
Il dit, et, s’écartant des mobiles Hébreux,
Apaisés par ces mots et déjà moins nombreux,
Son doigt mystérieux, sur l’arène légère,
Écrivait une langue aux hommes étrangère,
En caractères saints dans le Ciel retracés...
Quand il se releva, tous s’étaient dispersés.
Alfred de VIGNY, Poèmes, 1822.