Le chevalier et le rossignol
BALLADE FANTASTIQUE, IMITÉE DE L’ALLEMAND.
À M. Fernand LAGARRIGUE.
Je connais un château bâti sur la montagne,
Un tilleul est auprès couvrant tout à l’entour ;
Un pauvre rossignol, sans nid et sans compagne,
Tout au sommet fait son séjour.
Voilà que sur minuit, venant de Terre-Sainte,
Arrive tout à coup un vaillant chevalier ;
De l’oiseau gémissant il écoute la plainte ;
Il arrête son beau coursier.
– Gentil oiseau, dans ma demeure
Je t’offre l’hospitalité.
– Il est vrai qu’en ces lieux je pleure,
Mais j’ai du moins ma liberté !
– Tu souffres quand l’hiver t’assiège
Et quand l’été répand ses feux.
– Ce n’est ni l’été ni la neige,
Qui me rendent si malheureux !
J’avais un frère, il est parti ;
Il est à cette heure englouti
Dans les flots de la mer profonde.
La fée a brisé mon berceau,
Et de moi fait un pauvre oiseau,
Le plus triste du monde !
Le chevalier prend l’oiseau dans sa main,
Tire un poignard dont la lame scintille,
Malgré ses cris, il lui perce le sein,
Et l’oiseau devient jeune fille.
– Je suis ton frère, et j’ai brisé les charmes
Qui d’un oiseau te donnaient les destins.
La Terre-Sainte est libre par nos armes ;
Reviens, ma sœur, t’asseoir à nos festins.
Aimé VlNGTRINIER.
Paru dans La Muse des familles en 1858.